Concevoir l’automatisation pour les humains, 1ère partie : Objectifs et risques de l’automatisation
Quel impact a l’automatisation sur nos vies et nos façons de travailler? Certains chantres de l’IA nous promettent des lendemains qui chantent, des journées plus enrichissantes et des activités désormais porteuses de sens. Un monde heureux et apaisé par la technologie…
De l’autre côté, les pessimistes prophétisent la fin de l’humanité, la destruction de la culture, l’avènement du mercantilisme vide de sens, la prise de pouvoir des machines…bref, la fin des temps.
Loin de ces deux extrêmes, il faut bien constater qu’à l’heure où l’automatisation est de plus en plus présente dans nos vies, nous avons pourtant l’impression d’avoir moins de temps pour ce qui compte réellement.
Les Grecs divisaient le temps en trois concepts : Aeon, l’éternité immobile; Chronos, le temps présent, mécanique et mesurable; et Kairos. Ce dernier est sans doute celui dont la valeur ajoutée est la plus importante.
Quand Chronos dicte le mouvement de votre montre ou vos prochains rendez-vous, Kairos définit lui le moment qu’il faut saisir, l’opportunité dont il faut profiter — apprécier le parfum d’une rose lorsqu’elle éclot, regarder un lever de soleil ou encore tomber amoureux.
Ce temps précieux doit être maximisé. Mais quelle part de notre technologie nous contraint à Chronos ? Y a-t-il un moyen de concevoir des produits qui nous donnent plus de temps profitable Kairos, au lieu de moins ? Pour nous donner plus de temps pour nous, au lieu de nous en priver?
Depuis quelques mois, je travaille intensivement sur ces thématiques d’automatisation en tant que Product Designer.
La conduite de projets sur ce sujet m’a permis d’identifier certains principes et enseignements liés à l’automatisation de nos processus et outils. C’est ce que je me propose de vous relater.
Pourquoi l’automatisation des systèmes fait rêver les entreprises
Nous construisons des outils et des machines depuis l’âge des cavernes. Pourquoi ? Car nous souhaitons accomplir plus facilement, et plus rapidement, des tâches de plus en plus complexes.
De la simple pelle au super ordinateur, tous sont construits pour réaliser des tâches plus efficacement que l’être humain et pour lui simplifier la vie.
Les outils nous aidaient simplement à exécuter des tâches physiques. Les machines, elles, ont été créées pour les accomplir à notre place. L’automatisation puis l’intelligence artificielle sont les prochaines étapes du cheminement en se substituant à nous dans des tâches non pas physiques, mais bien intellectuelles.
Ces dernières années, de nombreuses compagnies ont débuté ce voyage pour des raisons diverses mais souvent similaires.
Les divers « pourquoi » de l’automatisation
Les entreprises se tournent vers l’automatisation pour de nombreuses raisons mais celles-ci sont souvent liées à des objectifs d’économies de coûts. Pourtant l’automatisation coûte encore souvent très cher à mettre en place et est sujette à de nombreux échecs, ce qui la rend risquée si elle n’est pas réalisée correctement.
On trouve ainsi comme raisons principales au souhait d’automatiser:
Réduction des coûts
En automatisant les tâches non essentielles, les organisations peuvent ainsi devenir moins dépendantes de la main-d’œuvre humaine et réduire leurs coûts, notamment en ce qui concerne la paperasse, la maintenance et les réparations.
Gagner du temps
L’automatisation des processus d’entreprise s’appuie sur des machines et des logiciels pour effectuer des tâches récurrentes, ce qui permet de traiter des tâches importantes, voire des processus complets, en seulement quelques minutes. Des processus entiers peuvent donc être exécutés plus rapidement et avec moins d’efforts.
Améliorer les flux de travail
Lorsqu’elles parviennent à réduire les coûts et le temps d’exécution des activités opérationnelles, les entreprises bénéficient généralement aussi de flux de travail plus efficaces et les résultats désirés peuvent être atteints avec moins d’efforts.
Assurer la cohérence et éliminer les risques d’erreur
Lors du traitement manuel des tâches, les risques d’erreurs peut être important. En effet, l’homme n’est pas à l’abri de faire des erreurs, encore moins lorsque la quantité de tâches à effectuer est considérable. Ce sont des problèmes auxquels les systèmes ne sont pas confrontés.
Préserver les connaissances
Ce « pourquoi » m’est apparu très clair lors de la réalisation d’un des projets sur lequel la compagnie pour laquelle je travaille est récemment intervenue pour un grand client canadien. Le client faisait face à une importante vague de départs à la retraite et donc à un risque élevé de pertes des connaissances, du savoir-faire et des compétences dans des pans entiers de ses activités. L’automatisation s’avéra être une solution parfaite pour informatiser et garder en mémoire les processus et les informations importantes.
Le risque d’affaiblir la culture de l’entreprise
Toutes ces raisons, bien que légitimes, mettent souvent de côté l’humain. Occupées à concevoir des processus parfaits, les entreprises le réduisent trop souvent l’humain au rôle d’outil et de variable d’ajustement.
Pourtant, en le retirant de l’équation, l’entreprise risque de perdre bien plus que ce qu’elle imagine dans l’automatisation de ses processus. Affaiblissement de sa culture, perte de connaissances et de savoir-faire ou même un désengagement des équipes sont possibles…
De plus, même lorsque ces risques sont identifiés et combattus, nous assumons trop souvent que les systèmes automatisés sont complexes par nature. Les dommages qu’ils infligent à la culture et aux humains nous paraissent alors être un mal nécessaire pour améliorer le rendement de l’entreprise.
Construire une relation plus équilibrée et moins perturbante pour les équipes humaines augmente pourtant de façon draconienne le succès et l’impact des nouveaux systèmes automatisés. Et pour construire cette relation, des solutions et des règles existent… j’en discuterai davantage dans mes publications à venir.